Le brown out est un tout nouveau terme ayant émergé très récemment. Aussi connu sous le terme “syndrome de désengagement professionnel”, le brown out est utilisé pour désigner une forme d’épuisement professionnel qui résulte d’un manque de sens de l’employé dans son travail.

En français, on parle de “démission intérieure” ou de “syndrome d’épuisement professionnel par le manque de sens”. Le brown out est plus difficile à définir et à identifier que le burn out.

Ce phénomène récent, mis en lumière par le mouvement de la “Great Resignation” ou grande démission, permet cependant d’attirer l’attention sur la question de trouver du sens à son travail et aux effets que cela peut avoir sur la santé des employés et sur l’entreprise elle-même.

Qu’est-ce qui cause le brown out ? Les employeurs peuvent-ils empêcher cela d’arriver à leurs employés ? Comment reconnaître les symptômes de brown out chez les employés ? Existe-il des solutions ? Analyse et réponses dans cet article.

Qu’est-ce que le brown out ?

Le brown out résulte de l’exposition ou la surexposition d’un salarié à un ou plusieurs risques psychosociaux (RPS), qui, sur le long terme, portent atteinte à sa santé mentale et/ou physique.

Pour rappel, la terminologie RPS ou risques psychosociaux désignent les risques qui sont une menace pour la santé mentale (psycho) d’un individu du fait de sa situation au travail (sociaux).

Les RPS sont une sous-catégorie de risques professionnels. Bien que le brown out peut apparaître suivant l’exposition à plusieurs RPS, une des raisons principales entraînant le brown out est la perte de sens au travail (au même titre que le bore-out apparaît suite à l’ennui chronique, et le burn out apparaît suite à un surinvestissement au travail).

Le brown out prend sa racine dans la dissonance de plus en plus forte entre l’espoir que le travail procure un sens et un sentiment d’être utile, et la réalité d’une situation professionnelle qui ne comble plus cet espoir.

Le brown out survient lorsque l’employé réalise, à la longue, des tâches répétitives et non stimulantes, qui enlèvent tout sens et toute énergie.

Les origines du brown out

Le terme “brown out” est surtout utilisé dans le vocabulaire anglophone du secteur de l’énergie, pour désigner le fait de baisser l’intensité électrique dans le but d’éviter une surchauffe.
C’est particulièrement cette baisse d’énergie qui a induit l’emprunt du terme pour désigner l’épuisement professionnel qu’amène la perte de sens et qui se traduit par une baisse d’énergie et d’engagement de l’employé.

Le brown out est étroitement lié au concept de “bullshit jobs”, apparu pour la première fois en 2013 avec un article de l’anthropologue David Graeber dans le magazine Strike. Dans son article, ce-dernier se réfère aux “bullshit jobs” comme étant des emplois inutiles ayant pour unique objectif de maintenir un individu dans un travail, moins pour des raisons de chômage que pour des raisons morales et politiques.

David Graeber propose de se poser deux questions simples pour savoir si un emploi est un “bullshit job” ou pas : qu’arriverait-il si ce métier disparaissait, et quel est l’impact de ce métier sur la société.

Les “bullshit jobs” (ou métiers à la con) ont été mis en avant de façon très négative pendant la crise de la Covid-19, car on les a opposés aux “travailleurs essentiels” que sont par exemple les médecins, les infirmiers et infirmières, les enseignants, les éboueurs.

La disparition de ces métiers essentiels aurait (dans le cadre de la crise sanitaire passée et même dans le futur) des conséquences drastiques pour le bon fonctionnement de la société. L’anthropologue identifie les métiers qui n’ont aucune composante d’activité créatrice ou productive comme étant des “bullshit jobs”.

Il est bon de souligner ici que le propos de David Graeber s’adresse à ceux qui ressentent déjà l’inutilité et le manque de sens dans leur travail, il ne prétend pas convaincre les individus qui sont persuadés que leur travail est utile à la société qu’il ne l’est pas, en réalité.

Comment faire la différence entre brown out, burn out et bore out ?

Il peut être facile de confondre les trois termes brown out, bore out burn out, du fait de leur similarité. D’ailleurs, ces trois termes désignent un épuisement professionnel. Le bore out est une forme d’épuisement professionnel par une sous-charge de travail et un ennui devenu chronique.

Le brown out est une forme d’épuisement professionnel par la perte d’engagement et la perte de sens. Le burn out est une forme d’épuisement professionnel par surinvestissement et surcharge de travail.

Dans les faits, les trois situations sont perméables entre elles. La perte de sens qui caractérise plutôt le brown out peut aussi se retrouver dans le bore out. A l’inverse, une personne qui est en situation de démission intérieure ressent fort probablement de l’ennui.

Il est donc aisé de confondre le bore out et le brown out. De plus, ces deux maux se manifestent avec bien moins de violence (mentale et physique) que le burn out. Le burn out est une explosion, alors que le bore out et le brown out sont des poisons qui se distillent progressivement dans la vie professionnelle de l’employé, sans crise visible.

Un employé qui souffre de brown out continue à réaliser ses tâches malgré un manque de motivation – sa démission est avant tout mentale, et cela peut être davantage difficile à identifier.

Pour faire la différence entre bore out et brown out, il faut prendre en compte la cause principale du malaise.

Si c’est le manque de sens qui vient en premier et qui provoque le sentiment d’ennui, c’est la nature du travail qui est la cause du mal-être : on parle alors de brown out.

Si c’est l’ennui induit par une sous-charge de travail qui vient en premier et qui provoque une perte de sens, c’est la quantité de travail qui est la cause du mal-être – on parle alors de bore out.

A la différence du brown out, la dimension quantitative du bore out et du burn out les rend mesurables plus facilement. Le brown out concerne la nature du travail et n’est pas si facile à quantifier.

De plus, il y a peu d’études au sujet du brown out, et la notion de sens du travail est difficile à définir de manière scientifique. Le brown out est donc davantage subjectif et plus délicat à formaliser.

Les signes du brown out

Le brown out est encore aujourd’hui mal connu. On peut néanmoins établir une liste des symptômes qui peuvent tirer la sonnette d’alarme sur la présence et le développement du brown out chez l’employé :

  • Une remise en question autant professionnelle que personnelle, accompagnée d’une crise existentielle
  • Le sentiment que le travail à réaliser est absurde et inutile
  • Une perte progressive de l’estime de soi
  • Un sentiment de lassitude et une démotivation qui augmente au fil du temps
  • La perte d’attention et une certaine paresse dans la réalisation de ses tâches
  • Une dégradation des relations au travail (repli sur soi, manque d’humour, cynisme)
  • Des retards répétés au travail
  • L’incapacité à prendre des initiatives et résoudre des problèmes
  • Une forte anxiété menant possiblement à la dépression

A une échelle moins individuelle, il y a des facteurs socio-démographiques et des facteurs liés à l’environnement professionnel qui peuvent jouer positivement ou négativement sur le sens du travail.

Ainsi, le sens du travail est plus fort pour les salariés dans les petites structures (moins de 10 personnes), les fonctionnaires (lorsque l’on compare relativement au secteur privé), les cadres et les salariés qui ont une importante durée de travail, les salariés ayant contact avec le public, les services de soins, et les salariés peu diplômés.

Il a été observé que le sens du travail tend à être faible pour les salariés qui sont soumis à un management par les chiffres (objectifs quantitatifs), les salariés qui ont connu au moins un grand changement dans leur travail durant l’année écoulée et qui subissent depuis des changements réguliers, et les salariés à qui l’on impose une forme de standardisation du travail sous dominance d’objectifs financiers chiffrés.

Les conséquences du brown out pour l’entreprise

Le brown out entraîne tout d’abord des conséquences pour le salarié. Nous l’avons vu par rapport aux symptômes: la santé physique et mentale de l’employé peut se retrouver affectée par le brown out.

Le brown out génère de l’anxiété, des troubles du sommeil et des changements d’humeur. Le repli sur soi de l’employé, son manque de productivité et sa baisse de performance dû à son désengagement peuvent affecter toute l’équipe entière et entraîner les collègues dans la même spirale.

Les conséquences sur l’entreprise sont diverses. Une perte de productivité va affecter la performance de l’entreprise et avoir des impacts négatifs sur les clients, le chiffre d’affaires, ainsi que sur la qualité des services et des produits fournis.

De plus, si le salarié fait des erreurs par manque d’attention ou ne respecte pas les délais par manque de motivation, cela peut entraîner une hausse des coûts pour l’entreprise. L’attitude défaitiste de l’employé peut toucher la clientèle si le salarié est au contact des clients, ce qui peut affecter l’image de l’entreprise et la fidélité des clients.

Les collègues de l’employé en situation de brown out peuvent se retrouver à devoir gérer le travail de l’individu, ce qui entraîne une surcharge de travail pour les autres membres de l’équipe.

La prévention du brown out : est-ce possible ?

A l’échelle de l’entreprise, on observe que les conditions de travail des employés sont un facteur majeur dans la perception de trouver du sens dans ce que l’on fait. Ainsi, un même métier peut être perçu comme un “bullshit job” ou pas, ou produire du sens ou pas.

Partant de ce constat, les entreprises et leurs managers ont donc à leur disposition une bonne marge de manœuvre pour influencer positivement la création de sens du travail chez leurs employés.

Les actions possibles qui peuvent être implémentées par les chefs d’entreprise incluent :

  • L’adoption de styles variés de management et de leadership (notamment le leadership transformationnel)
  • Le développement des compétences des employés à travers l’accès à la formation par exemple
  • Les possibilités d’évoluer professionnellement en mettant en place des passerelles entre les fonctions et en promouvant le recrutement interne
  • La reconnaissance ouverte du travail des employés, notamment en valorisant l’expérience des collaborateurs
  • La mise en place et l’implémentation de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE)
  • La possibilité offerte aux employés de mettre en place et de participer à des actions caritatives
  • Une communication efficace pour partager les valeurs de l’entreprise aux salariés
  • Le statut d’entreprise à mission
  • La mise en place et l’implémentation d’une politique adaptée de Qualité de Vie au Travail (QVT)

Sur ce dernier point, la Qualité de Vie au Travail est un axe fort pour prévenir les risques psychosociaux et leurs conséquences, tant sur l’entreprise que sur l’employé.

Les deux niveaux d’actions de la QVT ne doivent pas être négligés : il est important d’agir au niveau organisationnel mais aussi au niveau individuel pour aborder les risques et les solutions possibles au brown out.

A l’échelle individuelle, l’employé s’interroge sur ses valeurs personnelles et sur leur adéquation avec celles de son entreprise. Le brown out est révélateur d’une dissonance éthique entre ces valeurs.

L’individu doit pouvoir identifier cette dissonance et essayer de la résoudre. Il peut être compliqué d’identifier précisément ses valeurs, car cela entraîne un véritable travail en profondeur de réflexion sur soi, que peu d’individus veulent commencer.

Cependant, bien souvent, il arrive que les circonstances et l’environnement professionnel confrontent l’individu à cet exercice, en provoquant des heurts et un malaise instantané qui entraîne tout de suite un questionnement de ce qui est acceptable ou pas.

Est-il possible de ne pas arriver à cette étape ? Il existe des tests psychologiques qui ont été validés scientifiquement et qui permettent à l’individu d’identifier ses valeurs. L’individu doit par la suite continuer son travail de réflexion et se demander si ses valeurs personnelles sont en accord avec celles que prône son entreprise, et avec le métier qu’il exerce.

Si la réponse est négative, l’individu doit se demander s’il lui est possible de faire des compromis. Bien que ce soit souvent le cas, il peut néanmoins arriver que l’individu n’y arrive pas. Dans ce cas, l’individu peut envisager de changer de poste, d’entreprise, ou même de carrière.

Guérir d’un brown out

Vous êtes un employé et vous pensez être en situation de brown out ? Il vous semble que votre santé mentale est atteinte par le manque de sens dans votre travail ? La première étape est d’en parler.

La meilleure personne vers qui se tourner pour cela est un psychologue de travail. Ce professionnel saura recueillir vos propos et vos sentiments sans jugement, et saura vous accompagner dans l’analyse des facteurs (pouvant être individuels ou professionnels) qui ont mené à cette situation.

Le psychologue du travail saura aussi vous aider à trouver les moyens pour résoudre la dissonance éthique que vous pouvez ressentir.

Il revient également à l’entreprise d’accompagner un salarié en situation de brown out. Les managers doivent être formés pour pouvoir identifier les membres de leurs équipes qui seraient en brown out.

Les managers peuvent prendre les devants et établir un dialogue avec les employés concernés afin de comprendre les causes du désengagement. Dans un deuxième temps, ils peuvent proposer des solutions pour sortir l’employeur de son brown out, telles que donner davantage de responsabilités à l’employé, ou lui accorder plus de flexibilité et de liberté dans le travail.

Les managers doivent pouvoir remettre en question l’organisation du travail et favoriser la communication au sein des équipes. Ils doivent notamment veiller à ce que les conditions de travail évitent la perte de sens, par exemple en expliquant l’intérêt des missions et en valorisant le travail d’équipe et le partage d’informations.

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